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CORRESPONDANCE

Comme l’histoire de Babinet[1] m’a amusé ! Que je te remercie de me l’avoir envoyée ! […]

À propos de Babinet il me vient des idées sur son compte. On ne prête pas (dans les idées du monde et il faut songer qu’il n’y a que nous qui ne les ayons pas, les idées du monde), d’ordinaire dis-je, on ne prête pas à une femme le Musée secret de Naples, c’est-à-dire un album lubrique, pour des prunes. Cela fait entre le prêteur et l’emprunteuse un compromis (pardon, je ne voulais pas faire de calembour, c’est un terme de droit). On a un petit secret qui vous lie, et concernant l’article, qui pis est. Donc ne t’étonne pas si Babinet, un de ces jours, fait quelque tentative. Tout l’Institut viendra s’agenouiller sur ton tapis, c’est écrit. C’est, du reste, une belle liaison d’idées qu’il a eue. Il cherchait l’Âne d’or. « Je ne le trouve pas, s’est-il dit ; voyons, qu’est-ce que je lui apporterais bien ? De l’antique et du sale, tout ensemble. Ah ! le Musée secret. » Et il l’a mis dans sa poche.

Le Capitaine[2] est un farceur. Un homme comme lui ne s’ébouriffe pas de deux ou trois mots grossiers que j’aurai pu dire. Il a voulu causer et voir ta mine.

La lettre de Madame Didier[3] m’a assez amusé ! Ce fragment de pamphlet qu’elle cite a peut-être raison. Nous avons peut-être besoin des barbares.

  1. Physicien et astronome français, membre de l’Institut. Mêlé au monde littéraire, il fréquentait beaucoup chez Louise Colet, qui lui dédia son poème Sat Morituro.
  2. D’Arpentigny. Voir Correspondance, II, lettre no 306.
  3. Mme Didier tenait sous le Second Empire un salon littéraire où se rencontraient les écrivains et orateurs de l’époque.