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CORRESPONDANCE

Ah ! quand donc pourrai-je écrire en toute liberté un sujet Pohétique ? Car le style à moi, qui m’est naturel, c’est le style dithyrambique et enflé.

Je suis un des gueulards au désert de la vie. Adieu, ma poète chérie. Mille bons baisers et courage.

À toi. Ton G.

397. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Nuit de lundi, minuit et demi.
[6-7 juin 1853].

Je porterai moi-même, demain matin, cette lettre à la poste. Il faut que j’aille à Rouen pour un enterrement, celui de Madame Pouchet, la femme d’un médecin, morte avant-hier dans la rue, où elle est tombée de cheval, près de son mari, frappée d’apoplexie. Quoique je ne sois guère sensible aux malheurs d’autrui, je le suis à celui-là. Ce Pouchet est un brave garçon, qui ne fait aucune clientèle et s’occupe exclusivement de zoologie où il est très savant. Sa femme, Anglaise fort jolie et d’excellentes façons, l’aidait beaucoup dans ses travaux. Elle dessinait pour lui, corrigeait ses épreuves, etc. Ils avaient fait des voyages ensemble, c’était un compagnon. Le pauvre homme est complètement sourd et peu gai naturellement. Il aimait beaucoup cette femme. L’abandon qu’il va avoir, comme le déchirement qu’il a eu, sera atroce. Bouilhet, qui demeure en face d’eux, a vu