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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/236

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CORRESPONDANCE

et je plains Leconte, — car je ne veux pas l’appeler Delisle, ce brave garçon-là ! — Une réflexion esthétique m’est surgie de ce vol[ume] : combien peu l’élément extérieur sert ! Ces vers-là ont été faits sous l’équateur et l’on n’y sent pas plus de chaleur ni de lumière que dans un brouillard d’Écosse. C’est en Hollande seulement et à Venise, patrie des brumes, qu’il y a eu de grands coloristes ! Il faut que l’âme se replie.

Voilà ce qui fait de l’observation artistique une chose bien différente de l’observation scientifique : elle doit surtout être instinctive et procéder par l’imagination, d’abord. Vous concevez un sujet, une couleur, et vous l’affermissez ensuite par des secours étrangers. Le subjectif débute. Mais ce La Caussade est bête comme tout ; et ce qui n’est pas peu dire, car tout est bien bête.

La pièce de Leconte à Me C*** est la redite, et moins bonne, de Dies irae. Ce que j’en aime, c’est le commencement et la fin. Le milieu est noyé. Ses plans généralement sont trop ensellés, comme on dirait en termes de maquignons ; l’échine de l’idée fléchit au milieu, ce qui fait que la tête porte au vent. Il donne aussi, je trouve, un peu trop dans l’idée forte, dans la grande pensée. Pour un homme qui aime les Grecs, je le trouve peu humain, au sens psychologique. Voilà pour le moral. Quant au plastique, pas assez de relief. Mais en somme je l’aime beaucoup ; ça m’a l’air d’une haute nature. Je ne pense pas du reste que nous [nous] liions beaucoup ensemble, j’entends B[ouilhet] et moi. Il nous trouvera trop canailles, c’est-à-dire pas assez en quête de l’idée, et nous lâchera là, comme mon jeune Crépet qui n’est pas revenu