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DE GUSTAVE FLAUBERT.

d’étudiant, les actrices, les filous qui vous abordent dans les jardins publics, et la cuisine de restaurant « toujours plus malsaine que la cuisine bourgeoise ».

Cette raideur dont m’accuse Préault[1] m’étonne. Il paraît du reste que, quand j’ai un habit noir, je ne suis plus le même. Il est certain que je porte alors un déguisement. La physionomie et les manières doivent s’en ressentir. L’extérieur fait tant sur l’intérieur ! C’est le casque qui moule la tête ; tous les troupiers ont en eux la raideur imbécile de l’alignement. Bouilhet prétend que j’ai, dans le monde, l’air d’un officier habillé en bourgeois. Foutu air ! Est-ce pour cela que l’illustre Turgan m’avait surnommé « le major » ? Il soutenait aussi que j’avais l’air militaire. On ne peut pas me faire de compliment qui me soit moins agréable. Si Préault me connaissait, probablement au contraire qu’il me trouverait trop débraillé, comme ce bon Capitaine. Mais que Ferrat a dû être beau, avec sa « bonne furie méridionale » ! Je le vois de là gasconnant ; c’est énorme ! Tu parles de grotesque ; j’en ai été accablé à l’enterrement de Mme Pouchet. Décidément le bon Dieu est romantique ; il mêle continuellement les deux genres. Pendant que je regardais ce pauvre Pouchet qui se tordait debout comme un roseau au vent, sais-tu ce que j’avais à côté de moi ? Un monsieur qui m’interrogeait sur mon voyage : « Y a-t-il des musées en Égypte ? Quel est l’état des bibliothèques publiques ? » (textuel). Et comme je démolissais ses illusions, il était désolé. « Est-il possible ! Quel malheureux pays ! Comment

  1. Statuaire, à qui L. Colet dédia un de ses poèmes.