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DE GUSTAVE FLAUBERT.

lante et qui m’a porté sur les sens ? Ô cher volcan, que je t’aime et comme je pense à toi, va ! Si tu savais combien de fois je te regarde travaillant sur ta petite table, dans ton cabinet, et avec quelle impatience j’aspire à l’époque où nous serons réunis ! À cause de toi, Paris, comme à dix-huit ans, me semble un lieu enviable. Comme mon jeune homme de mon roman, « je me meuble dans ma tête mon appartement ». Je n’y rêve pas, comme lui, une guitare accrochée au mur. Mais à sa manière, et d’une façon plus nette, j’y entrevois une figure souriante qui se penche sur mon épaule. Patience, pauvre chérie ! Ce n’est plus maintenant qu’une question de mois et non d’années. C’est encore un hiver à passer, deux ou trois rendez-vous à Mantes, quelques pages à écrire. Comme je vais être seul cette année, quand tu m’auras pris mon pauvre Bouilhet ! Tu peux penser comme j’aurai envie d’aller vous rejoindre !

Je ne t’entretiens jamais des affaires domestiques, mais c’est bien bête en effet. C’est bon du reste sous le rapport du grotesque. 1o  Ma mère vient de découvrir que son jardinier la vole comme dans un bois. Nous seuls n’avons pas de légumes dans le village, parce que le village vit un peu à nos dépens. On vend les fleurs à Rouen, on en embarque des bouquets par le vapeur. Vois-tu la balle du jardinier « faisant son beurre » chez le bourgeois et le bourgeois pas content ? 2o  L’institutrice était d’un caractère si rogue, fantasque et brutal, elle malmenait tellement l’enfant qu’on la remercie ; elle s’en va. 3o  Nous avons découvert, par hasard, que mon frère, cet hiver, avait donné une soirée à des têtes sans nous en parler, pour ne