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CORRESPONDANCE

ennuyeux ; mais ce n’est pas une raison. Ce qui m’a choqué, c’est le mélange de tant de surnaturel avec tant d’ordinaire.

Comme détail je n’ai rien remarqué de bon ni de mauvais. Ainsi tu peux livrer la chose telle qu’elle est. Il n’y a point de disparate, mais c’est le ton général que je n’aime pas, la pâte même du style.

La première page m’avait beaucoup plu : cette neige qui tombe et jusqu’à l’évanouissement de la jeune fille, qui parle d’ailleurs un étrange langage. Le cimetière d’Allemagne aussi avait du bon ; mais à partir de la vision, quel macaroni !

Tu as bien tort de causer littérature avec des gens qui ne parlent pas notre langue. Il faut avec ces poissons d’eau douce leur fermer l’océan, c’est-à-dire notre cœur, et rester avec eux dans les ruisseaux communs. Si, à l’avenir (ceci doit être un serment que tu te feras), l’occasion s’en présente, comme pour Béranger, par exemple, c’est d’exprimer son opinion de la manière la plus crâne. S’ils persistent, on fait une leçon de dix minutes, livre en main, et calme ; puis on n’y revient plus. Tu sais que je suis toujours à ton service pour une engueulade solennelle, et je te serai même très reconnaissant de m’en fournir le moyen. Jamais de la vie on ne leur a dit le quart des vérités qui m’étouffent.

Rends donc l’Acropole, sans rien dire, et puis nous verrons. « Vous verrez ! vous verrez ! » comme dit Purgon.

Les bateaux pour le Havre partent de Rouen dans le mois d’octobre tous les jours impairs, 1er, 3, 5, 7, etc., jusqu’au 15. J’enverrai l’indication