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CORRESPONDANCE

métier comme Bouilhet l’a fait pendant quatorze ans, à huit et dix heures par jour (et il avait, de plus que Leconte, les maîtres de pensions sur le dos), je crois qu’il fallait être né avec une constitution enragée de force, un tempérament cérébral titanique. Il aura bien mérité la gloire aussi, celui-là ! Mais on ne va au ciel que par le martyre. On y monte avec une couronne d’épines, le cœur percé, les mains en sang et la figure radieuse.

Adieu, mille baisers sur la tienne. À toi, ton vieux G.


431. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

[Croisset] Vendredi minuit [7 octobre 1853].

Je ne t’en écrirai pas long, ce soir, bonne chère Louise, tant je suis mal à mon aise. J’ai plus besoin de me coucher que d’écrire encore. J’ai eu toute la soirée des maux d’estomac et de ventre à m’évanouir, si j’en étais capable. Je crois que c’est une indigestion. J’ai aussi fort mal à la tête, je suis brisé. Voilà trop de nuits que je me couche tard ! Depuis que nous sommes revenus de Trouville, je me suis rarement mis au lit avant 3 heures. C’est une bêtise, on s’épuise. Mais je voudrais tant avoir fini ce roman ! Ah ! quels découragements quelquefois, quel rocher de Sisyphe à rouler que le style, et la prose surtout ! ça n’est jamais fini. Cette semaine pourtant, et surtout ce soir (malgré mes douleurs physiques) j’ai fait un grand pas. J’ai arrêté le plan du milieu de mes comices (c’est du dialogue à deux, coupé par un discours, des mots