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CORRESPONDANCE

un port de lettre considérable, voilà tout. Lui réponds-tu, au Crocodile ? Encore un mot sur les lettres ; nous causerons de nous ensuite. C’est à propos de ta comédie que l’on va insérer dans le Pays. Tu t’étonnes de la pudibonderie de Cohen. Eh bien ! il est de l’opinion générale. Sois sûre que ce qu’il dit, d’autres le pensent et ne le disent pas.

Voilà où nous en sommes. Tu as vu le scandale de Sainte-Beuve qui trouvait que tu manquais de délicatesse ! Ce sont de ces choses dont il faut profiter, ou plutôt qu’il faut exploiter au profit même de son œuvre. Soyons donc contenus, chastes, sans rien nous interdire comme Intention ; mais surveillons-nous sur les mots.

Toi, tu te lâches un peu trop en ces matières et tu y mets une candeur qui peut passer pour impudeur (je parle en général, témoin : « c’est le dernier amour, etc. ! » ). Dans ce conte de la Servante il n’est question que d’impureté, de débauche ! de courtisane ! Interdis-toi, à l’avenir, tout cela. Ton œuvre y gagnera d’abord, et ensuite tu auras plus de lecteurs et moins de critiques.

Ces sujets-là te troublent. Je voudrais qu’il te fût interdit d’en parler et j’attends pour t’admirer sans réserve que tu nous aies écrit un conte où il ne soit pas question d’amour, une œuvre in-sexuelle, in-passionnelle. Médite bien ta Religieuse, et surtout point d’amour et point de déclamation contre les prêtres ni la religion ! Il faut que ton héroïne soit médiocre. Ce que je reproche à Mariette, c’est que c’est une femme supérieure.

Quant à publier, je ne suis pas de ton avis.