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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 3.djvu/414

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CORRESPONDANCE

grotesque et le tragique. Aussi l’un et l’autre ne sont que le même masque qui recouvre le même néant, et la Fantaisie rit au milieu comme une rangée de dents blanches au-dessus du bavolet noir.

Adieu, chère bonne Muse ; de t’écrire m’a passé mon mal au front ; je le mets sous tes lèvres et vais me coucher. Encore adieu et mille caresses. À toi.

Ton G.

447. À LOUIS BOUILHET.
[Croisset, décembre 1853, entre le 15 et le 27.]

Journée pleine ! et que je m’en vais te narrer. J’ai vu Léonie, j’ai vu des sauvages, j’ai vu Dubuget, Védie[1], etc. Commençons par le plus beau, les sauvages.

Ce sont les Cafres dont, moyennant la somme de cinq sols, on se procure l’exhibition, Grande-Rue, 11. Eux et leur cornac m’ont l’air de mourir de faim, et la haute société rouennaise n’y abonde pas. Il n’y avait comme spectateurs que sept à huit blouses, dans un méchant appartement enfumé où j’ai attendu quelque temps. Après quoi une espèce de bête fauve, portant une peau de tigre sur le dos et poussant des cris inarticulés, a paru, puis d’autres. Ils sont montés sur leur estrade et se sont accroupis comme des singes autour d’un pot de braise. Hideux, splendides,

  1. Chirurgien.