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APPENDICE.


LES FANTÔMES.


I

Que faites-vous des anciennes amours ?
Les chassez-vous comme des ombres vaines ?
En y pensant, n’avez-vous pas toujours
Comme un frisson qui vous court dans les veines ?

Ils ont été ces fantômes glacés,
Cœur contre cœur, une part de vous-même,
Ils ont frémi dans vos bras enlacés,
Ils vous ont dit ce mot sacré : Je t’aime !

Ils ont senti, ne fût-ce qu’une nuit,
Leur être ému se confondre à votre être ;
Et Dieu lui-même a recueilli le bruit
De vos baisers dont une âme a pu naître.

Que faites-vous de chaque souvenir,
Spectres moqueurs, ou larves désolées ?
Évoquez-vous ces ivresses mêlées
Pour les pleurer, les plaindre ou les bénir !

II

Avec dédain souriant, mais l’œil sombre,
Écho de tous un homme répondit :
« Dans un désert quel lion sait le nombre
« Des grains de sable où son flanc s’étendit ?