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DE GUSTAVE FLAUBERT.

exterminera donc les critiques, pour qu’il n’en reste plus un !

1re  colonne : Éloge de l’Académie française.

2e  colonne : Éloge exagéré et inepte du poème couronné, avec trois citations (bonnes du reste). C’est, selon ce monsieur, ce qu’il y a de meilleur dans le volume.

3e  colonne : Déchaînement contre les Tableaux vivants ; on trouve cela anti-chrétien. Parallèle de L. Collet avec Th. Gautier : digression sur ce que c’est que l’art (2 colonnes). Énumération analytique et rapide des pièces ; il trouve le Deuil trop intime, etc.

Conclusion en somme peu louangeuse. Mais Énault ! Quel imbécile et pauvre garçon ! Il se croit spirituel avec ses petites malices, et savant peut-être, avec ses quatre citations, une en italien, deux en latin et une en allemand (celle-là est la plus facile). Si j’étais de toi, puisque c’est un ami, je le bourrerais un peu dru à sa première visite.

Je relis Rabelais avec acharnement et il me semble que c’est pour la première fois que je le lis. Voilà la grande fontaine des lettres françaises ; les plus forts y ont puisé à pleine tasse. Il faut en revenir à cette veine-là, aux robustes outrances. La littérature, comme la société, a besoin d’une étrille pour faire tomber les galles qui la dévorent. Au milieu de toutes les faiblesses de la morale et de l’esprit, puisque tous chancellent comme des gens épuisés, puisqu’il y a dans l’atmosphère des cœurs un brouillard épais empêchant de distinguer les lignes droites, aimons le vrai avec l’enthousiasme qu’on a pour le fantastique et, à mesure que les autres baisseront, nous monterons.