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CORRESPONDANCE

Montigny. Je suis entré dans l’église. On disait les vêpres, douze fidèles tout au plus. De grandes orties dans le cimetière et un calme ! un calme ! Des dindons piaulaient sur les tombes et l’horloge râlait !

Il y a dans cette église des vitraux du XVIe siècle représentant les travaux de la campagne aux divers mois de l’année. Chaque vitrail est tout bonnement un chef-d’œuvre. J’en ai été émerveillé. Je te ferai voir cela si tu viens.

En rentrant, j’ai senti un grand besoin de manger d’un pâté de venaison et de boire du vin blanc ; mes lèvres en frémissaient et mon gosier séchait. Oui, j’en étais malade. C’est une chose étrange comme le spectacle de la nature, loin d’élever mon âme vers le Créateur, excite mon estomac. L’Océan me fait rêver huîtres et la dernière fois que j’ai passé les Alpes, un certain gigot de chamois que j’avais mangé quatre ans auparavant, au Simplon, me donnait des hallucinations. C’est ignoble, mais c’est ainsi. Aurai-je eu des envies, moi ! et de piètres !


492. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 1er  septembre 1856.

J’ai d’abord à te dire, mon cher vieux, que tu es un fort gentil bougre pour m’avoir écrit deux lettres cette semaine. Enfin ! je sais ce que tu fais ! Tu ne t’imagines pas combien je suis seul sans toi ! et comme je pense chaque dimanche à mes pauvres dimanches d’autrefois !