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CORRESPONDANCE

mon roman en volume. J’ai envie de rentrer, et pour toujours, dans la solitude et le mutisme dont je suis sorti, de ne rien publier, pour ne plus faire parler de moi. Car il me paraît impossible par le temps qui court de rien dire, l’hypocrisie sociale est tellement féroce !!!

Les gens du monde les mieux disposés pour moi me trouvent immoral ! impie ! Je ferais bien à l’avenir de ne pas dire ceci, cela, de prendre garde, etc., etc. ! Ah ! comme je suis embêté, cher ami !

On ne veut même plus de portraits ! le daguerréotype est une insulte ! et l’histoire une satire ! Voilà où j’en suis ! Je ne vois rien en fouillant mon malheureux cerveau qui ne soit répréhensible. Ce que j’allais publier après mon roman, à savoir un livre qui m’a demandé plusieurs années de recherches et d’études arides, me ferait aller au bagne ! et tous mes autres plans ont des inconvénients pareils. Comprenez-vous maintenant l’état facétieux où je me trouve ?

Je suis depuis quatre jours couché sur mon divan à ruminer ma position qui n’est pas gaie, bien qu’on commence à me tresser des couronnes, où l’on mêle, il est vrai, des chardons.

Je réponds à toutes vos questions : si le livre ne paraît pas, je vous enverrai les numéros de la Revue qui le contiennent. Ce sera décidé d’ici à quelques jours. M. de Lamartine n’a pas écrit à la Revue de Paris, il prône le mérite littéraire de mon roman, tout en le déclarant cynique. Il me compare à lord Byron, etc. ! C’est très beau ; mais j’aimerais mieux un peu moins d’hyperboles et en même temps moins de réticences. Il m’a envoyé