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CORRESPONDANCE

en cette matière. On va envoyer contre les musulmans des soldats et du canon. C’est un Voltaire qu’il leur faudrait ! Et l’on criera de plus belle au fanatisme ! À qui la faute ? Et puis, tout doucement, la lutte va venir en Europe. Dans cent ans d’ici, elle ne contiendra plus que deux peuples, les catholiques d’un côté et les philosophes de l’autre.

Vous êtes comme elle, vous, comme l’Europe, — déchirée par deux principes contradictoires, et c’est pour cela que vous êtes malade.


589. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, seconde quinzaine d’octobre 1858.]

Tu es bien gentil de songer à moi, et si je ne t’écris point, c’est pour ne point t’ennuyer de mes plaintes. J’ai été tous ces temps-ci assez malade, physiquement ; il me prend des douleurs d’estomac atroces. Je suis obligé de me coucher et j’éprouve en même temps des courbatures dans tous les membres, avec des pincements au cervelet. C’est le résultat des agréables pensées qui embellissent mon existence.

À quoi bon t’embêter avec tout cela ? Ayons la pudeur des animaux blessés. Ils se f… dans un coin et se taisent. Le monde est plein de gens qui gueulent contre la Providence ; il faut (ne serait-ce que par bonne manière) ne pas faire comme eux. Bref, j’ai la maladie noire. Je l’ai déjà eue, au plus fort de ma jeunesse, pendant dix-huit mois, et j’ai