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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je m’en vais à Paris à la fin de cette semaine pour la pièce de mon ami Bouilhet, Hélène Peyron. J’y resterai une quinzaine ; je m’occuperai de votre légende ; mais je suis sûr, à peu près, qu’on la refusera. Je vous dis franchement les choses, parce que ce genre-là (comprenez-vous) est vieux et que la chose en elle-même n’a rien de bien neuf. Enfin je ferai tout mon possible.

Vous ignorez complètement la presse parisienne, si vous croyez qu’on y fait ce qu’on veut et qu’on y écoute quelqu’un. On a des amis très dévoués, tant qu’on ne leur demande rien du tout, voilà. Depuis un an je sollicite, à la Presse, l’insertion d’un chef-d’œuvre (il n’est pas de moi), une chose extrêmement originale intitulée le Cœur à droite[1]. On me leurra de belles paroles, mais je suis convaincu que jamais aucun journal ne l’imprimera. Qu’y voulez-vous faire ? Tout cela est trouvé très bien par certaines gens.

Parlez-moi de vous ; moi, j’ai été dans des états déplorables, physiquement, moralement et intellectuellement parlant. À quoi bon vous ennuyer avec le récit de tout cela ? Chacun a sa croix ; il est inutile d’en surcharger les autres ; mais quelle chose incomplète que la vie ! Et pourtant quelle complication ! Je passe alternativement par de grands abattements et par de grands enthousiasmes ; cela est une double folie. Rien ne vaut la peine d’être triste ni d’être joyeux.

Adieu ; mille cordialités et croyez-moi tout à vous.


  1. De Louis Bouilhet.