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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Ce qu’on se rappelle, ce qui reste palpitant et net dans l’esprit, après cette lecture, ce sont :

1o Toute la première partie, la demeure de Daniel, sa femme, le grattage de l’hôtel et la scène dans l’hôtel garni. Tout cela est superbe. Le duel est très bien, mais moins rare ;

2o Dans la seconde, l’apparition de la jeune fille sur le rocher, le portrait du vieux comte, les dames sous la tente ; Georget, quoique moins décrit, est une figure réussie. Celle de Cabâss est parfaite ;

3o Dans la troisième, l’incendie ;

4o La quatrième partie est (avec la première), la plus forte. Le dialogue de Louise et de Daniel, quand Daniel l’engage à épouser Cabâss, est une chose parfaite et réussie. Très beau ! très beau !

Ce livre-là s’avale d’une haleine. Il y a peut-être un peu de complaisance, de la part de l’auteur, envers les paysages ; ils sont prodigués. Mais, comme ils sont tous bien faits, je m’en moque. Cela est ardent et exalté d’un bout à l’autre. Cependant l’auteur se voit trop sous Daniel ; on ne sent pas la supériorité de l’écrivain sur son héros. Peu importe, puisque c’est le héros qui parle. Il a fallu un grand art pour ne pas rendre Louise insipide, car au fond, c’est l’« Ange ». Quant à Daniel, qui est de la famille des Oberman et des Roger, je lui reproche uniquement de trop parler ; il y a des tournures de style emphatiques. Il s’adresse au ciel, il crie à tous les vents, il blasphème. Je n’attaque nullement le fond de ce caractère, mais je dis qu’on peut en enlever les côtés connus, en changeant certaines tournures de style qui reviennent sans cesse : « m’écriai-je ! » « ô ciel ! » ; ça lui donne un air