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DE GUSTAVE FLAUBERT.

gens ont l’air épris l’un de l’autre. Tout cela est très bien ! On est enchanté ! Heureux ceux qui vivent dans la bonne et simple nature ! Oui, quand je me suis retrouvé seul, le soir, j’ai senti qu’entre moi et mes co-mortels il y avait des abîmes. Tout le bonheur de la vie est là sans doute. Et pourtant si on me l’offrait, accepterais-je ?

Aujourd’hui, j’ai été chez Janin qui est très touché de ta lettre. Il m’a fait ton éloge, dit que tu avais beaucoup de talent, que ta personne lui plaisait, que tu avais raison d’habiter la province, etc., etc. « Il entend joliment Horace, ce gaillard-là ! Aussi, voyez ! Quelle supériorité ça lui donne sur les autres ! » Bref, tu as très bien fait de lui envoyer ton épître, et je parie qu’à ta prochaine pièce tu auras un feuilleton superbe. Oh ! les hommes !

Feydeau, de plus en plus furieux contre iceux, se console en faisant faire pour son usage personnel : 1o  son portrait ; 2o  son camée. Je suis effrayé du peu d’affection qu’on lui porte et je passe ma vie à le défendre ; or, j’ai fort à faire, car il manque entièrement de politique.

Chez Janin, tantôt, re-vu le Feuillet (peu sympathique, décidément). Il vient de faire une jolie chute avec sa Tentation[1].

Dimanche, il y a eu chez moi un « grand combat » entre Baudry, Saint-Victor et l’excellent père Maury, qui est charmant. Je dîne demain à Versailles avec lui et Renan.

Notre ami Maxime a publié dans la Revue des

  1. La Tentation, pièce en 5 actes et 6 tableaux. (Paris, Vaudeville, 19 mars 1860.)