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CORRESPONDANCE

Je commence maintenant le chapitre viii, après lequel il m’en restera encore sept ! Je n’aurai pas fini avant dix-huit mois.

Ce n’était pas une politesse de ma part que de vous féliciter sur votre dernier livre, et sur le genre de vos travaux. J’aime l’histoire, follement. Les morts m’agréent plus que les vivants ! D’où vient cette séduction du passé ? Pourquoi m’avez-vous rendu amoureux des maîtresses de Louis XV ? Cet amour-là est, du reste, une chose toute nouvelle dans l’humanité. Le sens historique date d’hier, et c’est peut-être ce que le XIXe siècle a de meilleur.

Qu’allez-vous faire maintenant ? Quant à moi, je me livre à la Kabbale, à la Mischna, à l’art militaire des anciens, etc. (un tas de lectures qui ne me servent à rien, mais que j’entreprends par excès de conscience et un peu aussi pour m’amuser) ; et puis je me désole sur les assonances que je rencontre dans ma prose ; ma vie est plate comme la table où j’écris. Les jours se suivent et se ressemblent, extérieurement du moins. Dans mes désespoirs je rêve à des voyages. Triste remède !

Vous m’avez l’air tous les deux de vous embêter vertueusement au sein de la famille et parmi les délices de la campagne. Je comprends cet état pour l’avoir subi, maintes fois.

Serez-vous à Paris du 10 au 25 août ?

En attendant la joie de vous voir, je vous serre les mains très affectueusement. À vous.