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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Il paraît que tu as eu chaud, mon bonhomme ? Je sais ce que c’est, ne t’en déplaise (que d’avoir chaud), bien que tu m’écrives : « Tu ne peux pas t’en faire une idée ». J’étais au mois de mai sur les bords de la mer rouge, mon bon, et j’ai traversé le tropique en juin. Ah !

Veux-tu que je te fasse une petite prédiction ? Tu ne retourneras pas en Afrique ; un voyage raté ne se recommence pas. Si tu veux aller au printemps à Tuggurt, reste en Algérie jusque-là. Mais je crois que tu t’embêtes de Paris, mon vieux, avoue-le. Allons ! tu ne découvriras pas les sources du Nil. Oh ! sois vexé, je m’en f… Tout cela est pour t’engager, pendant que tu y es, à te transporter à Constantine. Je t’en supplie, vas-y. Tu me remercieras ensuite.

Autre guitare. Pourquoi écoutes-tu le père Sainte-Beuve, et ne continues-tu pas Sylvie, qui était bien et très bien commencée ? Débarrasse-toi de ça, et fais-nous ensuite un grandissime roman sur l’Algérie. Tu dois en savoir assez ? Il y a plus à faire sur ce pays que Walter Scott n’a fait sur l’écosse, et un succès non moindre « attend ce ou ces livres-là ». Telle est mon opinion.

Adieu, vieux. Es-tu bien bronzé ? T’es-tu fait couper le prépuce par amour de la couleur locale et t’es-tu livré… nous pourrions passer une gentille soirée dans six semaines.

À toi, salam !