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CORRESPONDANCE

on s’admire ; mais quand on lève le nez un peu plus haut et que l’on contemple les maîtres, ou tout bonnement l’idéal, c’est alors que l’on se sent petit et que tout le poids de votre néant vous écrase. Ce n’est pas une chose douce que de vivre ainsi, passant tout son temps à se dire que l’on n’est qu’un imbécile et à s’en donner la preuve. Tout le monde a sa croix, vous voyez bien ! La mienne est plus légère que la vôtre, je le sais, c’est pour cela que je vous plains et que je vous serre les deux mains très affectueusement.


685. À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
[Croisset, 15 juillet 1861].

Vous devez avoir chez vous, à Paris, une lettre de moi, car je vous [ai] écrit le jour même où j’ai reçu votre volume (lundi dernier), après l’avoir lu d’un bout à l’autre sans débrider.

J’en ai été enchanté. C’est d’un seul jet et d’une poussée qui ne faiblit pas un instant. Quant à l’observation, elle est parfaite. C’est cela, c’est cela ! Mais, ce qui m’a vraiment ébloui, c’est toute l’enfance de Philomène. Vous trouverez dans ma lettre mon impression immédiate après une première lecture. Je me serais livré à une seconde si ma mère n’avait présentement sous son toit trois dames qui s’en sont régalées. Vous attendrissez le sexe, ce qui est un succès, quoi qu’on dise. Néanmoins, j’ai refeuilleté çà et là votre Philomène et je connais le livre parfaitement.

Donc, mon opinion est que vous avez fait ce