Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
452
CORRESPONDANCE

copie et faire imprimer. Or, comme l’été est une saison détestable pour publier, si je n’ai fini en janvier, cela me remet à l’automne prochain. Tels sont, ô grand homme, les motifs de mon redoublement d’acharnement. Je suis beau comme morale ! Mais je crois que je deviens stupide intellectuellement parlant. Depuis un an j’ai vu Bouilhet ici vingt-quatre heures et je te remets de semaine en semaine. Le vieux mythe des amazones qui se brûlaient le sein pour tirer de l’arc est une réalité pour certaines gens ! Que de sacrifices vous coûte la moindre des phrases !

Il me semble que tu es en ébullition ; deux pièces à la fois, quel gaillard !

Je lis maintenant de la physiologie, des observations médicales sur des gens qui crèvent de faim et je cherche à rattacher le mythe de Proserpine à celui de Tanit. Voici mon travail depuis deux jours, tout en préparant les horreurs finales du chapitre xiii qui seront dépassées par celles du chapitre xiv. J’ai fini l’interminable bouquin de Livingstone et relu beaucoup de Rabelais. Que je sois pendu si j’ai la moindre chose à te conter.

Nous avons eu ici, pendant trois semaines, des parents auxquels je n’ai pas tenu une fois compagnie pendant une heure, et je n’ai vu personne de tout l’été ; ma plus grande distraction était de me laver dans la rivière. Attends-toi donc, dans une quinzaine environ, à recevoir de moi une lettre qui te conviera à venir dans ma cabane.

Que devient Sainte-Beuve ? Jamais tu ne m’en parles.

Adieu, vieux brave.