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DE GUSTAVE FLAUBERT.

de ces sentiments que tu m’accuses de ne pas comprendre, et j’ai lu ta pièce de vers trois jours après avoir achevé un petit tableau où je représentais une mère caressant son enfant. Tout cela n’est pas pour défendre mes critiques, auxquelles je tiens fort peu. Mais je ne démords pas de l’idée qui me les a dictées.

Il me semble que le Prix s’annonce bien ; j’ai bon espoir.

Je n’ai eu aucune nouvelle de Bouilhet depuis qu’il est parti. Je l’attends mardi ou mercredi. Peux-tu m’envoyer cette pièce de Leconte, Les Chiens au clair de lune[1] ? j’ai grande envie de la connaître.

Puisque tu es décidée à publier la Servante de suite, je n’en dis plus rien (de la publication) ; mais j’attendrai. Quelle rage vous avez tous là-bas, à Paris, de vous faire connaître, de vous hâter, d’appeler les locataires avant que le toit ne soit achevé d’être bâti ! Où sont les gens qui suivent le précepte d’Horace, qu’il faut tenir pendant neuf ans son œuvre secrète avant de se décider à la montrer ? On n’est en rien magistral par le temps qui court. Adieu, je t’embrasse, non magistralement. À toi[2].

Ton G.

  1. Le Vent froid dans la nuit (Poèmes barbares).
  2. Cette lettre est la dernière que nous possédions, mais il est peu vraisemblable qu’elle soit la dernière que Flaubert adressa à son amie, bien que la brouille fût proche. Nous ignorons dans quelle atmosphère s’est poursuivie cette correspondance et comment vint la rupture entre les deux amants. L’existence du dernier billet qui mit le point final à cette relation amoureuse de huit années n’est pas douteuse ; mais il est décrit de façons si différentes par les personnes qui affirment l’avoir lu, que nous nous abstenons d’autre commentaire.