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CORRESPONDANCE

476. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 6 juillet 1855.

Je tombe sur les bottes !!! Je crève d’envie de dormir. J’ai conduit aujourd’hui à Caumont mon nouveau cousin, le sieur Laurent, qui est ici depuis samedi avec sa belle-mère et sa june épouse, et qui repart demain. Nous sommes revenus à pied, je suis un peu échigné. Joins à cela un fort dîner chez Achille. Comme j’ai pensé à toi, tantôt, sacrée canaille, en traversant le bois de Canteleu ! Sais-tu de quoi l’on causait ? locomotion et chemins de fer.

Ta lettre m’a fait de la peine, pauvre vieux. Pourquoi donc es-tu si triste ? est-ce que tu vas faiblir, toi que j’admire et qui me réconfortes ? Je te prie sincèrement de cesser, par bas égoïsme. Que me restera-t-il si tu cales ? Heureusement que je connais mon bonhomme et je te dirai qu’au fond je suis peu inquiet de ton découragement. Les désillusions ne sont faites que pour les gens sans imagination. Or, je t’estime assez pour croire que tu n’en auras jamais de sérieuses et surtout de persistantes. Note que voilà la première année de ta vie que tu te trouves seul et avec le loisir de t’embêter pendant vingt-quatre heures de suite. Il y a encore à ton état présent d’autres causes que je t’expliquerai doctoralement,

Seul à seul chez Barbin,

 
c’est-à-dire piétés dans quelque taberne méritoire. Au reste, c’est bon ; il faut s’embêter à Paris,