Êtes-vous bien sûr, d’abord — dans votre jugement général, — de n’avoir pas obéi un peu trop à votre impression nerveuse ? L’objet de mon livre, tout ce monde barbare, oriental, molochiste, vous déplaît en soi ! Vous commencez par douter de la réalité de ma reproduction, puis vous me dites : « Après tout, elle peut être vraie » ; et comme conclusion : « Tant pis si elle est vraie ! » À chaque minute vous vous étonnez ; et vous m’en voulez d’être étonné. Je n’y peux rien, cependant ! Fallait-il embellir, atténuer, franciser ! Mais vous me reprochez vous-même d’avoir fait un poème, d’avoir été classique dans le mauvais sens du mot, et vous me battez avec les Martyrs !
Or le système de Chateaubriand me semble diamétralement opposé au mien. Il partait d’un point de vue tout idéal ; il rêvait des martyrs typiques. Moi, j’ai voulu fixer un mirage en appliquant à l’antiquité les procédés du roman moderne, et j’ai tâché d’être simple. Riez tant qu’il vous plaira ! Oui, je dis simple, et non pas sobre. Rien de plus compliqué qu’un Barbare. Mais j’arrive à vos articles, et je me défends, je vous combats pied à pied.
Dès le début, je vous arrête à propos du Périple d’Hannon, admiré par Montesquieu, et que je n’admire point. À qui peut-on faire croire aujourd’hui que ce soit là un document original ? C’est évidemment traduit, raccourci, échenillé et arrangé par un Grec. Jamais un oriental, quel qu’il soit, n’a écrit de ce style. J’en prends à témoin l’inscription d’Eschmounazar, si emphatique et redondante ! Des gens qui se font appeler fils de Dieu, œil de Dieu (voyez les inscriptions