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CORRESPONDANCE

Criez-leur : « Venez à moi pour empêcher l’ennemi de boire et de manger dans un pays qui lui est étranger ! »

La guerre (je l’espère) aura porté un grand coup aux « autorités ». L’individu, nié, écrasé par le monde moderne, va-t-il reprendre de l’importance ? Souhaitons-le.


1127. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, jeudi soir, 11 heures [22 septembre 1870].
Mon pauvre Caro,

Ça va un peu mieux, aujourd’hui ; il nous est venu des nouvelles tellement bonnes qu’elles vous desserrent la poitrine, bien qu’on ne veuille pas y croire (je ne te les envoie pas, pour ne pas te faire une fausse joie), tant nous avons été trompés souvent ! Ce qu’il y a de sûr, c’est que partout on fond des canons, on s’arme et on marche sur Paris. Il est passé à Rouen, depuis deux jours, 53 000 hommes de troupes (tous les prisonniers de Sedan s’échappent). On forme des armées : dans quinze jours il y aura peut-être un million d’hommes autour de Paris. Les gardes nationaux de Rouen partent samedi prochain.

Comme on sait qu’il ne faut attendre aucune pitié des Prussiens, et qu’ils ne veulent pas faire la paix, les gens les plus timides sont résignés, maintenant, à se battre à outrance. Enfin, il me semble que tout n’est pas perdu.

Je t’assure que moi j’ai cru, plusieurs fois