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CORRESPONDANCE

La reddition de Metz va démoraliser toute la province, j’en ai peur, mais enrager Paris. De là, dissension. Nous sommes dans un bel état ! Mais il ne peut pas durer longtemps. Le dénouement, quel qu’il soit, doit approcher. J’imagine que Paris va faire des sorties. Avant que les Prussiens n’y entrent, que de sang, quelles horreurs !

Ah ! mon pauvre Caro ! Comme je suis triste et las de la vie ! Te figures-tu ce que sont mes journées passées en tête-à-tête avec ta grand’mère ? Si cela dure encore quelque temps, j’en mourrai, je n’en peux plus. J’ai tout fait pour me donner du courage ! mais je suis à bout ! On se garantit contre une averse et non contre une pluie fine. J’ai l’une et l’autre à la fois. À quoi occuper son esprit, mon Dieu !

Ton mari est arrivé ce soir. Je le trouve bien raisonnable, et bien aimable de venir ainsi tous les samedis.

Ta grand’mère change d’avis tous les jours. Elle veut maintenant retourner à Rouen. Elle a eu envie de prendre Pilon[1] pour garder la ferme. Mais ce soir elle trouve que ça lui coûterait trop cher, etc.

Nous avons eu hier, à déjeuner, les Lapierre. Ils étaient pleins de confiance ! On en avait encore cette semaine.

Et ces pauvres Nogentais qui ont été bombardés ! Quelle peur ils ont dû avoir ! Nous n’avons pas reçu de leurs nouvelles.

Si nous avions un vrai succès sur la Loire, un seul, et si Trochu faisait trois ou quatre sorties

  1. Concierge de la maison de Mme Flaubert à Rouen.