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DE GUSTAVE FLAUBERT.

pauvre Bouilhet, qui est à Vichy, me donne des inquiétudes sérieuses. Dans une quinzaine de jours on saura à quoi s’en tenir, mais présentement je suis très tourmenté. Il paraît avoir une albuminurie. C’est une maladie dont on ne guérit pas.

Mon roman est là dans sa boîte et je n’y pense pas plus que s’il n’existait point. Je le reprendrai dans six semaines pour y faire les dernières corrections, et puis vogue la galère !

Le souvenir des lectures que j’ai faites chez vous, Princesse, me restera comme une des meilleures choses de ma vie. Vous ne sauriez croire à quel point était chatouillée « l’orgueilleuse faiblesse de mon cœur » ainsi qu’eût dit le grand Racine.

J’ai repris une vieille tocquade, un livre que j’ai déjà écrit deux fois et que je veux refaire à neuf[1]. C’est une extravagance complète, mais qui m’amuse. Aussi suis-je perdu maintenant dans les Pères de l’église, comme si je me destinais à être prêtre !

Quelle chaleur ! J’espère qu’elle ne vous incommode pas ? Je vous vois d’ici, à l’ombre, sous vos beaux arbres. Je voudrais y être près de vous, pour vous baiser les mains, Princesse, et vous répéter que je suis

entièrement vôtre.

  1. La Tentation de saint Antoine.