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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1282. À GEORGE SAND.
Croisset. [Fin mars 1872].

Me voilà revenu ici, chère bon maître, et peu gai ; ma mère m’inquiète. Sa décadence augmente de jour en jour et presque d’heure en heure. Elle a voulu revenir chez elle, bien que les peintres n’aient pas fini leur ouvrage, et nous sommes très mal logés. À la fin de la semaine prochaine, elle aura une dame de compagnie qui m’allègera dans mes sottes occupations de ménage.

J’ai eu, il y a dix jours, une violente contestation avec mon éditeur.

C’était à l’occasion de Dernières chansons. Savez-vous ce que Aïssé et Dernières chansons auront produit à l’héritier de Bouilhet ? Tout compte fait, il aura à payer quatre cents francs. Je vous épargne le détail de la chose, mais c’est ainsi. Et voilà comme la vertu est toujours récompensée. Si elle était récompensée, elle ne serait pas la vertu.

N’importe ! Cette dernière histoire m’a énervé comme une trop forte saignée. Il est humiliant de voir qu’on ne réussit pas, et quand on a donné pour rien tout son cœur, son esprit, ses nerfs, ses muscles et son temps, on retombe à plat, écrasé.

Mon pauvre Bouilhet a bien fait de mourir : le temps n’est pas doux.

Pour moi, je suis bien décidé à ne pas faire gémir les presses d’ici à de longues années, uniquement pour ne pas avoir « d’affaires », pour