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CORRESPONDANCE

je reste ici. Avant de me décider pour l’avenir, il faut que je sache ce que j’aurai pour vivre ; après quoi nous verrons.

Aurai-je la force de vivre absolument tout seul dans la solitude ? J’en doute. Je deviens vieux. Caroline ne peut maintenant habiter ici. Elle a déjà deux logis et la maison de Croisset est dispendieuse.

Je crois que j’abandonnerai le logement de Paris. Rien ne m’appelle plus à Paris. Tous mes amis sont morts et le dernier, le pauvre Théo, n’en a pas pour longtemps, j’en ai peur. Ah ! C’est dur de refaire peau neuve à cinquante ans !

Je me suis aperçu, depuis quinze jours, que ma pauvre bonne femme de maman était l’être que j’ai le plus aimé. C’est comme si l’on m’avait arraché une partie des entrailles !


1289. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, milieu d’avril 1872.]

Je suis trop écrasé et trop abruti pour t’écrire comme il conviendrait, mon cher bonhomme. Je veux seulement vous remercier, toi et Mme Feydeau, pour vos bonnes paroles.

J’ai abominablement souffert depuis quinze jours.

Je ne sais pas ce que je vais devenir et il m’est impossible de faire aucun projet, tant que nos affaires ne seront pas terminées. Ma mère a légué