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CORRESPONDANCE

1291. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Croisset] jeudi, 4 heures [25 avril 1872].
Mon cher Loulou,

J’ai eu le cœur bien gros en te voyant partir ! Et je me suis senti encore moins gai, le soir, quand je me suis mis à table ; mais il faut être philosophe.

Je me suis remis à travailler. À force d’entêtement, j’arriverai à reprendre goût au pauvre Saint Antoine. Fais comme moi, pauvre chérie, occupe ta cervelle ; remets-toi à peindre.

Il faut jusques au bout respecter sa nature.

Ce que je dis là est hygiénique et moral.

Comme il me semble qu’il y a déjà longtemps que tu es absente, mon pauvre Caro ! Au reste, j’ai un peu perdu la notion du temps.

Émile est parti à Rouen faire des commissions. La grêle vient de tomber, le soleil rebrille. Je me suis couché très tard. Je crois que je vais piquer un chien… As-tu lu dans les feuilles l’assassinat de la comtesse Dubourg[1] ? Quelle atroce aventure !

Adieu. À bientôt, n’est-ce pas ?

Que dis-tu du jeune Philippe qui n’est pas venu me voir une fois ?

L’un n’a-t-il pas sa barque et l’autre sa charrue !

  1. Madame Dubourg, tuée par son mari qui la surprit en flagrant délit d’adultère.