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CORRESPONDANCE

grand bouquin, qui me demandera au moins quatre ans. Il aura ça de bon !

Le Sexe faible, reçu au Vaudeville par Carvalho, m’a été rendu par ledit Vaudeville et rendu mêmement par Perrin, qui trouve la pièce scabreuse et inconvenante. « Mettre un berceau et une nourrice sur la scène des Français ! Y pensez-vous ? » Donc, j’ai porté la chose à Duquesnel qui ne m’a point encore (bien entendu) rendu de réponse. Comme la démoralisation que procure le théâtre s’étend loin ! Les bourgeois de Rouen, y compris mon frère, m’ont parlé de la chute du Candidat à voix basse (sic) et d’un air contrit, comme si j’avais passé en cour d’assises pour accusation de faux. Ne pas réussir est un crime ; et la réussite est le critérium du Bien. Je trouve cela grotesque au suprême degré.

Expliquez-moi aussi pourquoi on met des matelas sous certaines chutes et des épines sous d’autres ? Ah ! le monde est drôle, et vouloir se régler d’après son opinion me semble chimérique.

Le bon Tourgueneff doit être maintenant à Saint-Pétersbourg ; il m’a envoyé de Berlin un article favorable sur Saint Antoine. Ce n’est pas l’article qui m’a fait plaisir, mais lui. Je l’ai beaucoup vu cet hiver et je l’aime de plus en plus.

J’ai aussi fréquenté le père Hugo, qui est (lorsque la galerie politique lui manque) un charmant bonhomme.

Est-ce que la chute du ministère de Broglie ne vous a pas été agréable ? À moi, extrêmement ! mais la suite ? Je suis encore assez jeune pour espérer que la prochaine Chambre nous amènera un changement en mieux. Cependant ?