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CORRESPONDANCE

temps que je me suis promené en Basse-Normandie ; à propos de mille petits détails, les souvenirs d’enfance m’assaillaient. Et hier soir, la rentrée solitaire dans mon domicile a été, comme de coutume, fort amère. Ce sentiment de l’isolement est un effet de l’âge. Mais ne nous attristons pas ! Je m’en vais, sur les hauts sommets, tâcher de [me] remonter la mécanique, afin de me lancer dans Bouvard et Pécuchet gaillardement.

Du reste, mon petit voyage de cinq jours m’a fait du bien. Je suis moins rouge et je me sens moins fatigué.

Mon serviteur est tout dolent de me voir partir. Il dit qu’il s’ennuie à crever quand je ne suis pas là.

Aucune nouvelle. Rien en politique. Les journaux se sont occupés beaucoup du retour de Rochefort. Mais cette rengaine commence à s’user.

« Nos campagnes » se plaignent de manquer d’eau. Il fait alternativement très chaud et très froid ; « le fond de l’air » est bizarre, ou plutôt il n’a pas de fond. À l’instant même, un coup de sonnette me fait battre le cœur. Je croyais que le facteur m’apportait une lettre de Suède. Pas du tout ! mais c’est une lettre pour Mme Commanville. Timbre illisible et écriture de femme inconnue. Je vais la mettre dans une enveloppe et te l’adresser.

J’ai invité pour aujourd’hui mon petit ami Fortin. Mes paquets sont faits, j’ai réglé avec Émile. Il ne me reste plus qu’à dire adieu à Julio qui dort près de moi, sur la peau d’ours, et à partir. Je suis curieux de savoir si le moral sera