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DE GUSTAVE FLAUBERT.

der ni à gauche ni à droite. Tout ce qui était autour de moi a disparu, et maintenant je me trouve dans le désert. Bref, l’élément distraction me manque d’une façon absolue.

Pour écrire de bonnes choses, il faut une certaine alacrité ! Que faire pour la ravoir ? Quels sont les procédés à employer pour ne pas songer sans cesse à sa misérable personne ? Ce qu’il y a de plus malade en moi, c’est « l’humeur » ; le reste, sans cela, irait bien. Vous voyez, chère bon maître, que j’ai raison de vous épargner mes lettres. Rien n’est sot comme les geignards.


1536. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, lundi 3 heures [10 mai 1875].
Pauvre chat,

Hier, en sortant de chez toi, la grande porte n’a pas voulu se fermer derrière moi. Quelque chose retenait le battant ; j’avais beau tirer, il résistait : c’était ta concierge qui voulait sortir en même temps que moi. N’importe ! Cette cause toute simple ne m’a pas empêché de voir dans le phénomène une espèce de symbolisme. Le Passé me retenait.

Le voyage avec mon frère a été des plus silencieux, car nous avons dormi presque tout le temps. Je l’ai reconduit en fiacre chez lui et, comme j’avais grand’soif, je suis entré dans cette maison de ma jeunesse, dont la vue m’est si amère ! Mme Achille et sa fille étaient allées voir Saint-André. Je les ai rencontrées sur le quai de Croisset.