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CORRESPONDANCE

sont bien futiles ! Je crois qu’elles aiment, en moi, l’homme ; mais, quant à l’esprit, je m’aperçois même que souvent je les choque, ou que je leur parais insensé. Tout cela m’a fait perdre deux jours ! Néanmoins, je compte avoir fini ma deuxième partie d’aujourd’hui en quinze ; je préparerai la troisième, puis tu me reverras, car il m’ennuie beaucoup de ma pauvre fille. Je tâche de n’y point songer. Mon départ est fixé pour le 3 février, au plus tard.

Zola m’a écrit, au nom de tout le petit cénacle, une lettre très aimable. Je lui gâte son hiver. On ne sait plus que faire le dimanche. Dans le dernier dîner, ils ont porté un toast en mon honneur.

Puisque tu fais des visites, va donc voir ce pauvre Moscove : il t’en sera reconnaissant et ce sera une bonne action, puisqu’il est malade.

Quel est ton rêve à propos de Claude-Bernard ?…

Et tu n’as pas encore lu la Prière à Minerve de Renan ? Cela me choque. Il me semble que mon élève devrait faire les lectures que je lui prescris. Sabatier ne partage pas absolument mon enthousiasme. Tant pis pour lui !

Voici un verset d’Isaïe que je me répète sans cesse et qui m’obsède, tant je le trouve sublime : « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui apporte de bonnes nouvelles ! »

Creuse-moi ça, songes-y ! Quel horizon ! Quelle bouffée de vent dans la poitrine !

Du reste, je suis perdu dans les prophètes.

Adieu, pauvre chat. Deux bons baisers de

Ta Nounou qui te chérit.