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CORRESPONDANCE

cet et Camille Rousset. Ah ! que tout est farce !

Je ne connais que les cinq ou six premiers feuilletons du Nabab et ne puis, par conséquent, vous en rien dire. J’ai peur que ce ne soit fait trop vite, mais le sujet est bien fertile. Votre histoire de Rochaïd-Dahdah m’a intéressé. Si j’étais plus jeune et si j’avais de l’argent, je retournerais en Orient pour étudier l’Orient moderne, l’Orient-Isthme de Suez. Un grand livre là-dessus est un de mes vieux rêves. Je voudrais faire un civilisé qui se barbarise et un barbare qui se civilise, développer ce contraste des deux mondes finissant par se mêler. Mais il est trop tard. C’est comme pour ma Bataille des Thermopyles. Quand l’écrirai-je ? Et Monsieur le Préfet ! Et bien d’autres ! C’est toujours bon d’espérer, dit Martin. Le désir fait vivre.

Ce que vous m’écrivez sur l’automne m’a charmé, car j’aime ainsi que vous les feuilles qui jaunissent, le vent tiède et triste comme un vieux souvenir d’amour, toutes les langueurs de l’arrière-saison, qui sont les nôtres. J’aimerais maintenant à me promener dans les bois, mais une promenade me dérange, et quand j’ai fait deux ou trois tours sur ma terrasse, je me recourbe sur mon pupitre, en gémissant. À cinq heures j’allume ma lampe et ainsi de suite.

Écrivez-moi de longues lettres comme la dernière ; c’est un régal et un fortifiant.