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DE GUSTAVE FLAUBERT.

qualifier de « gigantesques » ; en trois mois, du 3 octobre au 27 décembre, j’ai pris un après-midi de congé, et depuis que je suis ici je ne fais que lire et prendre des notes. Mon horrible bouquin est un gouffre qui s’élargit sous moi à chaque pas. Je suis maintenant dans le celticisme, dans la critique historique et dans l’Histoire du duc d’Angoulême ! Les deux chapitres que j’ai immédiatement à écrire sont les plus difficiles. Quand en serai-je sorti ?

En lisant un tas de choses sur la Restauration, j’ai trouvé que le Seize mai était comme le raccourci de cette époque : même aveuglement, même bêtise. Nous en sommes sortis d’une façon inespérée et maintenant on est à l’espoir. Messieurs les bonapartistes deviennent républicains (sic). Tout cela est à crever de rire. Mais nous avons frisé l’égorgement, ni plus ni moins. Je vais de temps à autre déjeuner chez mon ami Bardoux et j’en apprends de belles. Il m’a promis des notes tendant à l’éreintement de la magistrature. Beau sujet. L’histoire de Pinard, auteur obscène, est parfaitement vraie et je soupire toujours après ses poésies.

Le père Didon m’a demandé de vos nouvelles avant-hier. C’est un homme aimable et même très aimable. Mais c’est un prêtre. Or mon éloignement des sectaires va si loin que le livre de mon ami Robin sur l’Éducation m’a fort déplu. Les positivistes français se vantent : ils ne sont pas positivistes ! Ils tournent au matérialisme bête, au d’Holbach ! Quelle différence entre eux et un Herbert Spencer ! Voilà un homme, celui-là ! De même qu’on était autrefois trop mathématicien,