Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 8.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
112
CORRESPONDANCE

Que dites-vous du centenaire de Voltaire, monté et dirigé par Menier, chocolatier ? L’ironie ne le quitte pas, ce pauvre grand homme ; les hommages et les injures persistent comme de son vivant ! Après tout je dis une bêtise, car pourquoi un chocolatier serait-il moins digne de le comprendre qu’un autre monsieur ? Et la guerre ? Et les forfanteries de la perfide Albion tournant en eau de boudin ? Farce ! Farce ! « Toutes nos vocations sont farcesques », comme disait le père Montaigne. N’importe ! sans doute par l’effet de mon vieux sang normand, depuis la guerre d’Orient, je suis indigné contre l’Angleterre, indigné à en devenir Prussien ! Car enfin, que veut-elle ? Qui l’attaque ? Cette prétention de défendre l’Islamisme (qui est en soi une monstruosité) m’exaspère. Je demande, au nom de l’humanité, à ce qu’on broie la Pierre-Noire, pour en jeter les cendres au vent, à ce qu’on détruise la Mecque, et que l’on souille la tombe de Mahomet. Ce serait le moyen de démoraliser le Fanatisme.

Anacharsis Cloots disait : « Je suis du parti de l’indignation. » J’arrive à lui ressembler, ne trouvez-vous pas ? C’était d’ailleurs un drôle d’homme et pour qui j’ai un faible. Quand on le guillotina, il voulut passer après ses compagnons « pour avoir le temps de constater certains principes ». Quels principes ? Je n’en ai aucune idée, mais j’admire cette fantaisie.

Recevez toutes les tendresses de votre vieil ami.