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CORRESPONDANCE

Revue philosophique, je tente une dernière fois de la donner à un théâtre. Weinschenk, directeur de la Gaîté, m’a promis de la lire dès que j’aurai retiré le manuscrit des mains de notre « sympathique ministre[1] », personnage volatil et insaisissable.

Aujourd’hui, à 3 heures, j’ai rendez-vous avec Lemerre pour les poésies de Bouilhet et Salammbô. Tu vois que je suis dans « les affaires » — que le tonnerre de Dieu écrase ! car c’est un beau sujet d’abrutissement et d’humiliation.

Mais, dans quelques jours, je serai revenu dans mon vieil asile, et je reprendrai Bouvard et Pécuchet avec violence, et j’exciterai ma chère fille à la peinture, car il n’y a que ça, l’Art !

J’ai mis de côté pour te le montrer un article abominable (mais juste) paru hier dans l’Événement contre Maxime Du Camp. Il m’a fait faire des « réflexions philosophiques » et j’ai eu envie de faire dire une messe d’action de grâces, pour remercier le ciel de m’avoir donné le goût de l’Art pur. À force de patauger dans les choses soi-disant sérieuses, on arrive au crime. Car l’Histoire de la Commune de Du Camp vient de faire condamner un homme aux galères ; c’est une histoire horrible[2]. J’aime mieux qu’elle soit sur sa cons-

  1. Bardoux.
  2. Ex-chef de comptabilité au Ministère de la marine, Matillon avait pris part à la Commune, mais ne se croyait passible d’aucune peine, quand il apprit, par le récit de Du Camp publié dans la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1878, qu’il comptait au nombre de ceux qu’on présumait avoir été les organisateurs des incendies de la rue Royale et du pillage du Ministère. Il demanda à être jugé, fut reconnu coupable et condamné. L’Événement, après avoir rendu compte du procès, terminait son article par