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CORRESPONDANCE

1780. À MADAME BRAINNE.
Croisset, nuit de lundi 30 décembre [1878].
Chère Belle,

J’ai reçu la boîte tantôt à 4 heures, et maintenant je digère le cadeau ; les deux substances étaient exquises. C’est gentil d’avoir pensé à son Polycarpe. Votre lettre de ce matin m’a attendri. Vous m’aimez, je le sens, et je vous en remercie du fond de l’âme. Comment ? Je vous avais écrit une lettre « navrante », pauvre chère amie ? Vous méritez que je sois franc avec vous, n’est-ce pas ? Je vous ai ouvert mon cœur et dit carrément sur moi ce que je crois être la vérité. Si j’avais su vous tant affliger, ma pauvre chère amie, je me serais tu.

J’ai passé par de violentes secousses, j’ai eu un redoublement d’embêtements. Voilà la raison de mon accès de tristesse. Mais je m’y ferai, je deviendrai « tranquille » !

Et je vous en prie, chère belle, ne me parlez plus d’une place ou situation quelconque ! La bonne Princesse a eu la même idée que vous et m’a écrit les mêmes choses en d’autres termes ; mais l’idée seule de cela m’ennuie et, pour lâcher le mot, m’humilie ; comprenez-vous ?

Les préoccupations matérielles ne m’empêchent pas de travailler, car jamais je n’ai pioché avec plus d’acharnement. Je prépare maintenant les trois derniers chapitres de mon livre et Polycarpe est perdu dans la métaphysique et la religion.