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CORRESPONDANCE

père Thiers, et je vous assure que c’était splendide ! Cette manifestation réellement nationale m’a empoigné. Je n’aimais pas ce roi des Prud’hommes ; n’importe ! Comparé aux autres qui l’entouraient, c’est un géant ; et puis il avait une rare vertu : le patriotisme. Personne n’a résumé comme lui la France. De là l’immense effet de sa mort.

Savourez-vous le voyage méridional de notre Bayard ? Est-ce grotesque ? Quel four ! Ce guerrier, illustre par la pile gigantesque qu’il a reçue, comme d’autres le sont par leurs victoires, est-ce assez drôle ?

J’ai vu, dans la capitale, que les modérés sont enragés ; l’Ordre moral en effet atteint au délire de la stupidité. Exemple : le procès Gambetta. Au Havre, on a interdit une conférence sur la géologie ! Et à Dieppe une autre sur Rabelais ! Ce sont là des crimes ! Or, je souhaite à mon préfet Limbourg vingt-cinq ans de Calédonie pour y étudier la formation de la terre et la littérature française.

Jamais l’attente d’un événement politique ne m’a autant troublé que celle des élections. La question est des plus graves et pas si claire qu’on croit.

Je vous supplie de lire les Amours de Philippe, par Octave Feuillet, afin que nous puissions rugir ensemble. Comme la critique est douce pour ceux-là, et qu’il fait bon, dans ce monde, être médiocre !

Non, je ne connais pas la « drôlerie » de Jules de Goncourt. Où cela se trouve-t-il ?

Le ton de votre dernière est triste, ma chère correspondante. Vous sentez-vous plus mal ? Est-