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Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 8.djvu/93

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DE GUSTAVE FLAUBERT.

envie de vous voir. Aussi, je compte les jours qui me séparent du moment où je me présenterai rue de Berri.

Ce sera, je pense, à la fin de décembre, pour vous souhaiter la bonne année.

Sauf une excursion de trois semaines en Basse-Normandie, je n’ai pas bougé de ma cabane depuis le commencement de septembre et je n’ai eu aucune visite. Mon abominable livre[1] (qui me demandera encore trois ans pour le moins) m’occupe exclusivement. Pour supporter l’existence, il faut bien avoir une marotte et croire qu’elle est sérieuse !

Eh bien ! le suffrage universel (jolie invention) en a fait de belles[2] ! Je regrette que le prince Napoléon n’ait pas été nommé. L’échec de Raoul-Duval m’a également contrarié.

Notre pauvre Giraud doit être bien triste et son chagrin a dû vous affliger, vous qui aimez vos amis, chose rare. Dites-lui, je vous prie, que je pense à lui beaucoup. Se fera-t-il à son veuvage, à la rupture d’une si vieille habitude ? Je ne lis rien du tout (en dehors de mon travail). Je ne vois personne, je ne sais pas ce qui se passe dans le monde.

L’automne, qui a été ici splendide, m’a donné des envies folles de me promener dans les bois. J’ai résisté à cette fantaisie, parce que j’ai remarqué que je suis plus mélancolique après toute distraction. Mais vous, Princesse, qui êtes une personne saine, vous avez dû faire de jolies courses

  1. Bouvard et Pécuchet.
  2. Aux élections générales du 14 octobre, l’opposition obtint une majorité de 120 sièges.