Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/100

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Pécuchet reprit :

— Si le nôtre, à son tour, faisait la cabriole, les citoyens des étoiles ne seraient pas plus émus que nous ne le sommes maintenant. De pareilles idées vous renfoncent l’orgueil.

— Quel est le but de tout cela ?

— Peut-être qu’il n’y a pas de but.

— Cependant…

Et Pécuchet répéta deux ou trois fois « cependant » sans trouver rien de plus à dire.

— N’importe, je voudrais bien savoir comment l’univers s’est fait.

— Cela doit être dans Buffon, répondit Bouvard, dont les yeux se fermaient. Je n’en peux plus, je vais me coucher.

Les Époques de la nature leur apprirent qu’une comète, en heurtant le soleil, en avait détaché une portion, qui devint la terre. D’abord les pôles s’étaient refroidis. Toutes les eaux avaient enveloppé le globe ; elles s’étaient retirées dans les cavernes ; puis les continents se divisèrent, les animaux et l’homme parurent.

La majesté de la création leur causa un ébahissement infini comme elle.

Leur tête s’élargissait. Ils étaient fiers de réfléchir sur de si grands objets.

Les minéraux ne tardèrent pas à les fatiguer, et ils recoururent, comme distraction, aux Harmonies de Bernardin de Saint-Pierre.

Harmonies végétales et terrestres, aériennes, aquatiques, humaines, fraternelles et même conjugales, tout y passa, sans omettre les invocations à Vénus, aux Zéphirs et aux Amours. Ils s’étonnaient que les poissons eussent des nageoires, les