Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/106

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Bouvard objecta que, pour s’épargner un déplacement peut-être inutile, et à coup sûr dispendieux, il convenait de prendre des informations, et ils écrivirent au maire de l’endroit une lettre, où ils lui demandaient ce qu’était devenu un certain Louis Bloche. Dans l’hypothèse de sa mort, ses descendants ou collatéraux pouvaient-ils les instruire sur sa précieuse découverte ? Quand il la fit, à quelle place de la commune gisait ce document des âges primitifs ? Avait-on des chances d’en trouver d’analogues ? Quel était, par jour, le prix d’un homme ou d’une charrette ?

Et ils eurent beau s’adresser à l’adjoint, puis au premier conseiller municipal, ils ne reçurent de Villers aucune nouvelle. Sans doute les habitants étaient jaloux de leurs fossiles ? À moins qu’ils ne les vendissent aux Anglais. Le voyage des Hachettes fut résolu.

Bouvard et Pécuchet prirent la diligence de Falaise pour Caen. Ensuite une carriole les transporta de Caen à Bayeux ; de Bayeux ils allèrent à pied jusqu’à Port-en-Bessin.

On ne les avait pas trompés. La côte des Hachettes offrait des cailloux bizarres, et, sur les indications de l’aubergiste, ils atteignirent la grève.

La marée étant basse, elle découvrait tous ses galets, avec une prairie de goémons jusqu’aux bords des flots.

Des vallonnements herbeux découpaient la falaise, composée d’une terre molle et brune et qui, se durcissant, devenait, dans ses strates inférieures, une muraille de pierre grise. Des filets d’eau en tombaient sans discontinuer, pendant que la mer, au loin, grondait. Elle semblait parfois