Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/124

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de droite manquait. Gorju prit une chandelle pour mieux faire voir à Pécuchet celui de gauche, qui présentait, sous l’arbre du Paradis, Adam et Ève dans une posture fort indécente.

Bouvard également admira le bahut.

— Si vous y tenez, on vous le cèderait à bon compte.

Ils hésitaient, vu les réparations.

Gorju pouvait les faire, étant de son métier ébéniste.

— Allons ! Venez !

Et il entraîna Pécuchet vers la masure, où Mme Castillon, la maîtresse, étendait du linge.

Mélie, quand elle eut lavé ses mains, prit sur le bord de la fenêtre son métier à dentelles, s’assit en pleine lumière, et travailla.

Le linteau de la porte l’encadrait. Les fuseaux se débrouillaient sous ses doigts avec un claquement de castagnettes. Son profil restait penché.

Bouvard la questionna sur ses parents, sur son pays, les gages qu’on lui donnait.

Elle était de Ouistreham, n’avait plus de famille, gagnait une pistole par mois ; enfin, elle lui plut tellement, qu’il désira la prendre à son service pour aider la vieille Germaine.

Pécuchet reparut avec la fermière, et pendant qu’ils continuaient leur marchandage, Bouvard demanda tout bas à Gorju si la petite bonne consentirait à devenir sa servante.

— Parbleu !

— Toutefois, dit Bouvard, il faut que je consulte mon ami.

— Eh bien, je ferai en sorte ; mais n’en parlez pas ! à cause de la bourgeoise.