Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/128

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droite couverte d’un gant serrait la clef du Paradis, de couleur vert-pomme. Sa chasuble, que des fleurs de lis agrémentaient, était bleu-ciel, et sa tiare, très jaune, pointue comme une pagode. Il avait les joues fardées, de gros yeux ronds, la bouche béante, le nez de travers et en trompette. Au-dessus pendait un baldaquin fait d’un vieux tapis où l’on distinguait deux Amours dans un cercle de roses, et à ses pieds, comme une colonne, se levait un pot à beurre, portant ces mots en lettres blanches sur un fond chocolat : « Exécuté devant S. A. R. Monseigneur le duc d’Angoulême, à Noron, le 3 octobre 1817 ».

Pécuchet, de son lit, apercevait tout cela en enfilade, et parfois même il allait jusque dans la chambre de Bouvard, pour allonger la perspective.

Une place demeurait vide en face de la cotte de mailles, celle du bahut Renaissance.

Il n’était pas achevé, Gorju y travaillait encore, varlopant les panneaux dans le fournil, et les ajustant, les démontant.

À onze heures, il déjeunait, causait ensuite avec Mélie, et souvent ne reparaissait plus de toute la journée.

Pour avoir des morceaux dans le genre du meuble, Bouvard et Pécuchet s’étaient mis en campagne. Ce qu’ils rapportaient ne convenait pas. Mais ils avaient rencontré une foule de choses curieuses. Le goût des bibelots leur était venu, puis l’amour du moyen âge.

D’abord ils visitèrent les cathédrales ; et les hautes nefs se mirant dans l’eau des bénitiers, les verreries éblouissantes comme des tentures de pierreries, les tombeaux au fond des chapelles, le