Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/130

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au lavoir. Le mur dévalait à pic jusqu’aux broussailles des douves et ils pâlissaient en songeant que des hommes avaient monté là, suspendus à des échelles. Ils se seraient risqués dans les souterrains ; mais Bouvard avait pour obstacle son ventre, et Pécuchet la crainte des vipères.

Ils voulurent connaître les vieux manoirs, Curcy, Bully, Fontenay, Lemarnion, Argouge. Parfois à l’angle des bâtiments, derrière le fumier se dresse une tour carlovingienne. La cuisine garnie de bancs en pierre, fait songer à des ripailles féodales. D’autres ont un aspect exclusivement farouche, avec leurs trois enceintes encore visibles, des meurtrières sous l’escalier, de longues tourelles à pans aigus. Puis on arrive dans un appartement, où une fenêtre du temps des Valois, ciselée comme un ivoire, laisse entrer le soleil qui chauffe sur le parquet des grains de colza répandus. Des abbayes servent de granges. Les inscriptions des pierres tombales sont effacées. Au milieu des champs, un pignon reste debout, et du haut en bas est revêtu d’un lierre que le vent fait trembler.

Quantité de choses excitaient leurs convoitises, un pot d’étain, une boucle de strass, des indiennes à grands ramages. Le manque d’argent les retenait.

Par un hasard providentiel, ils déterrèrent à Balleroy, chez un étameur, un vitrail gothique et il fut assez grand pour couvrir, près du fauteuil, la partie droite de la croisée jusqu’au deuxième carreau. Le clocher de Chavignolles se montrait dans le lointain, produisant un effet splendide.

Avec un bas d’armoire, Gorju fabriqua un prie-Dieu