Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pécuchet s’y refusa.

— N’en parlons plus !

Et Marescot examina leur céramique.

Toutes les pièces accrochées le long des murs étaient bleues sur un fond d’une blancheur malpropre, et quelques-unes étalaient leur corne d’abondance aux tons verts et rougeâtres, plats à barbe, assiettes et soucoupes, objets longtemps poursuivis et rapportés sur le cœur, dans le sinus de la redingote.

Marescot en fit l’éloge, parla des autres faïences, de l’hispano-arabe, de la hollandaise, de l’anglaise, de l’italienne ; et les ayant éblouis par son érudition :

— Si je revoyais votre soupière ?

Il la fit sonner d’un coup de doigt, puis contempla les deux S peints sous le couvercle.

— La marque de Rouen ! dit Pécuchet.

— Oh ! oh ! Rouen, à proprement parler, n’avait pas de marque. Quand on ignorait Moustiers, toutes les faïences françaises étaient de Nevers. De même pour Rouen, aujourd’hui ! D’ailleurs on l’imite dans la perfection à Elbeuf.

— Pas possible !

— On imite bien les majoliques ! Votre pièce n’a aucune valeur, et j’allais faire, moi, une belle sottise !

Quand le notaire eut disparu, Pécuchet s’affaissa dans le fauteuil, prostré !

— Il ne fallait pas rendre la cuve, dit Bouvard, mais tu t’exaltes ! tu t’emportes toujours.

— Oui ! je m’emporte.

Et Pécuchet empoignant la soupière, la jeta loin de lui, contre le sarcophage.