Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/158

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ne valent pas mieux ; car on ne peut tout dire, il faut un choix. Mais dans le choix des documents, un certain esprit dominera, et comme il varie, suivant les conditions de l’écrivain, jamais l’histoire ne sera fixée.

« C’est triste, » pensaient-ils.

Cependant, on pourrait prendre un sujet, épuiser les sources, en faire bien l’analyse, puis le condenser dans une narration, qui serait comme un raccourci des choses, reflétant la vérité tout entière. Une telle œuvre semblait exécutable à Pécuchet.

— Veux-tu que nous essayions de composer une histoire ?

— Je ne demande pas mieux ! Mais laquelle ?

— Effectivement, laquelle ?

Bouvard s’était assis, Pécuchet marchait de long en large dans le musée. Quand le pot à beurre frappa ses yeux, et s’arrêtant tout à coup :

— Si nous écrivions la vie du duc d’Angoulême ?

— Mais c’était un imbécile ! répliqua Bouvard.

— Qu’importe ! les personnages du second plan ont parfois une influence énorme, et celui-là peut-être tenait le rouage des affaires.

Les livres leur donneraient des renseignements, et M. de Faverges en possédait sans doute par lui-même ou par de vieux gentilshommes de ses amis.

Ils méditèrent ce projet, le débattirent, et résolurent enfin de passer quinze jours à la bibliothèque municipale de Caen pour y faire des recherches.

Le bibliothécaire mit à leur disposition des histoires