Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/205

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C’était la question de l’époque, il s’en faisait un moyen de gloire, on applaudit.

En se retournant, il coudoya Bouvard, que Pécuchet avait entraîné jusque-là, et ils engagèrent une conversation. Rien ne pressait ; la mairie était cernée ; le conseil n’échapperait pas.

— Où trouver de l’argent ? disait Bouvard.

— Chez les riches ! D’ailleurs, le gouvernement ordonnera des travaux.

— Et si on n’a pas besoin de travaux ?

— On en fera par avance !

— Mais les salaires baisseront ! riposta Pécuchet. Quand l’ouvrage vient à manquer, c’est qu’il y a trop de produits ! et vous réclamez pour qu’on les augmente !

Gorju se mordait la moustache.

— Cependant …, avec l’organisation du travail …

— Alors le gouvernement sera le maître !

Quelques-uns, autour d’eux, murmurèrent :

— Non ! non ! plus de maîtres !

Gorju s’irrita.

— N’importe ! on doit fournir aux travailleurs un capital, ou bien instituer le crédit !

— De quelle manière ?

— Ah ! je ne sais pas ! mais on doit instituer le crédit !

— En voilà assez, dit le mécanicien, ils nous embêtent, ces farceurs-là.

Et il gravit le perron, déclarant qu’il enfoncerait la porte.

Placquevent l’y reçut, le jarret droit fléchi, les poings serrés :

— Avance un peu !