Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/209

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clair de la lune, ils avaient aperçu, dans un pommier, un homme avec un fusil, et qui les tenait en joue.

Une autre fois, par une nuit obscure, la patrouille, faisant halte sous la hêtrée, entendit quelqu’un devant elle.

— Qui vive ?

Pas de réponse !

On laissa l’individu continuer sa route, en le suivant à distance, car il pouvait avoir un pistolet ou un casse-tête ; mais quand on fut dans le village, à portée des secours, les douze hommes du peloton, tous à la fois, se précipitèrent sur lui, en criant :

— Vos papiers !

Ils le houspillaient, l’accablaient d’injures. Ceux du corps de garde étaient sortis. On l’y traîna, et, à la lueur de la chandelle brûlant sur le poêle, on reconnut enfin Gorju.

Un méchant paletot de lasting craquait à ses épaules. Ses orteils se montraient par les trous de ses bottes. Des éraflures et des contusions faisaient saigner son visage. Il était amaigri prodigieusement, et roulait des yeux, comme un loup.

Foureau, accouru bien vite, lui demanda comment il se trouvait sous la hêtrée, ce qu’il revenait faire à Chavignolles, l’emploi de son temps depuis six semaines.

Ça ne les regardait pas. Il était libre.

Placquevent le fouilla pour découvrir des cartouches. On allait provisoirement le coffrer.

Bouvard s’interposa.

— Inutile ! reprit le maire. On connaît vos opinions.